Je me souviens de ces journées qui faisaient basculer notre décor d’un claquement de doigts. La première bataille d’eau, les fleurs peuplant tout à coup les parterres des jardins. Désormais, on subit les vagues chaotiques de chaleurs et de froid, et le temps doux comble le reste. Depuis longtemps, je n’avais plus ressenti cet instant si spécial où de tous les arbres les feuilles tombent à l’unisson et l’on se dit « ça y est, l’automne est là ». Où sont passées les journées annonciatrices des changements de saisons ? Est-ce qu’elles auraient décidé de migrer vers le nord, pour échapper à la tiédeur ambiante qui nous rend si confus.e ?
En arrivant à Hambourg, on m’avait dit : tu verras, ici il fait très froid, il pleut, les hivers sont rudes et la nuit tombe vers 15h. Pour être tout à fait sincère, je n’y avait pas vraiment cru, tellement cela paraissait une chimère comparé aux derniers hivers vécus à Paris – dans le paysage gris et immobile des mois de décembre au parfum de réchauffé. Mais au fil des semaines passées ici, à seulement trois heures du Danemark, je sentais dans l’air quelque chose de plus pur, de plus radical. Le soleil était plus vif, la pluie était plus lourde, j’ai vu les feuilles tomber sous ma fenêtre et surtout, une nuit, vers deux heures du matin, en célébrant un anniversaire, j’ai vu la première neige tomber.
Il est difficile de mettre les mots sur ce que l’on ressent face à nos premiers flocons de l’année. Une sorte d’excitation euphorique, l’envie de les goûter, de pousser un cri de joie, comme pour dire à ce qui nous dépasse « Tu l’as fait ! Tu as passé le cap ! ». Je sais que chaque année, j’attends ce moment plus que tous les autres, tant il représente la possibilité d’entrer dans l’hiver avec une magie si spéciale. On a beau réussir à s’adapter à tous les bouleversements qui nous frappent, sentir que la nature nous accompagne à traverser le temps qui passe procure un sentiment de bien-être qui nous sort de l’impression de revivre la même journée encore et encore. Mieux, elle nous permet de renouer avec des souvenirs d’enfance enfouis sous une épaisse couche de glace.
Oui, les changements de saison sont symboliques, ils nous sont précieux. Dans le cycle d’une année entière, ils sont des marqueurs nécessaires à notre cycle personnel. Et parfois, la possibilité de tout recouvrir d’une page blanche, c’est tout ce dont nous avons besoin.
Teto Maltesi
La Beautaniste 