Retour au Bercail

Je suis revenue à Paris pour quelques jours. En moins de 48h, mon agenda sur la durée de mon séjour était déjà rempli. C’est un des plaisirs cachés quand on part vivre à l’étranger : penser quand on rentre au bercail qu’on va pouvoir tout faire et tout voir avec tout le monde. On se débat, on se dit que tout va pouvoir passer de justesse quitte à louper un ou deux repas. Les journées n’ont plus le droit de durer 24h, on se permet de tout faire parce que eh, après tout la semaine prochaine on sera reparti.e ! 

Ce sentiment d’être pris dans une capsule temporelle limitée ouvre les portes d’une nouvelle liberté avec parfois quelques déviances inévitables. Comme commencer sa journée par un Saké froid au restaurant, y croiser Gérard Depardieu – plutôt son nez, de profil, un vrai Cyrano – acheter du Stephen King – probablement la faute du saké froid – entre un beignet et une tasse de thé pour finir dans la nuit à errer sur les ponts illuminés de la Seine jusqu’aux lapins qui peuplent par dizaines les pelouses des Invalides tous les soirs après minuit. 

Rentrer chez soi n’est plus vraiment la bonne formule à employer, parce que chez nous est maintenant à plusieurs endroits à la fois. Au-delà de remplir grassement ses journées pour ne rien perdre de son séjour, il y a aussi le bonheur de retrouver ses rituels, ceux qu’on a beau vouloir emporter avec nous quand on change d’environnement, on n’y arrivera jamais. Pour moi, en novembre, c’était de me lever plus tôt le matin, me poser sur la grande table de la salle à manger baignée de soleil – où l’ombre des fenêtres seulement à cette période se reflète sur les murs comme des tableaux de Rothko – et boire mon café pendant au moins une heure en écoutant un podcast littéraire. Ne rien faire, prendre le temps de me sortir du sommeil, écouter, savourer totalement. Il n’y a qu’ici que je peux le faire – à Hambourg je le fais différemment. 

Les autres rituels vont suivre. Passer chez Gibert à Saint-Michel refaire mes stocks avant de repartir ; lister toutes les expositions à voir et souvent avec qui ; prévoir une nuit à la campagne ; retrouver cafés et restos autrefois proches résidences secondaires ; lire l’horoscope du ELLE de ma mère le week-end ; boire une grappa chez Bartolo, ou deux ; regarder Hercule Poirot pour la cinq-centième fois ; revoir Berlioz, mon chat ; prendre un bain. Je n’ai pas le choix de cocher toutes ces cases, j’aurais le sentiment de ne pas avoir pu revivre en dix jours 23 ans de vie dans cette ville. Ce qui serait absolument inadmissible.

Teto Maltesi

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