Bonjour à tous ! Comme toujours, c’est un plaisir immense qui me conduit à publier l’article du jour. Eh oui, vous l’aurez deviné, il s’agit une nouvelle fois d’un article Rencontre, et celle-ci n’est pas des moindres (c’est même une première !).
Aujourd’hui, je vous parle de ce que nous, êtres vivants gracieux et grassouillets cultivons chaque jour, aussi bien pour subsister que pour faire jouir notre palais : manger. Et grâce au ciel, en France, c’est une activité connue et reconnue qui fait en partie notre fierté nationale, sous le nom de gastronomie. Je ne sais pas si vous le savez, mais depuis 2010, le repas gastronomique des français est bien inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité (UNESCO). Car finalement, “bien manger, c’est l’affaire de tous”, et nous sommes entièrement d’accord avec ça.
Ainsi, pour introduire ce sujet qui me tient tant à cœur, j’ai envie de vous présenter une personne, que dis-je, une amie follement talentueuse, Anne Gerbaud, cheffe pâtissière.
J’ai eu la chance de rencontrer Anne il y a plus de trois ans maintenant, et c’est également grâce à elle que j’ai pu découvrir l’art de la pâtisserie (et y goûter un peu aussi).
En vous proposant de découvrir Anne et son métier, j’ai premièrement envie de dire que la cuisine mérite d’être considérée comme un art à part entière. Car elle est source de création, de pâte, d’identité, d’affirmation, de combat, de beauté, de partage, de désir et de plaisir.
Enfin, c’était une belle occasion de donner la parole, à une femme, à une cheffe, et avant tout, à une passionnée.
J’espère de tout cœur que notre échange vous inspirera !
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Tout d’abord, pourrais-tu te présenter brièvement ?
Je m’appelle Anne, j’ai 28 ans et je suis originaire de la région de Nantes. Je suis arrivée sur Paris il y a quatre ans et je suis maintenant cheffe pâtissière dans un restaurant étoilé du 7ème arrondissement.
Tu es donc cheffe pâtissière au restaurant étoilé Loiseau Rive Gauche à Paris, est-ce que tu peux revenir un peu sur ton parcours dans la pâtisserie ?
Je n’ai pas du tout le parcours modèle du pâtissier traditionnel ! Après un Bac ES et un BTS Hôtellerie Restauration, j’ai commencé la pâtisserie par une mention complémentaire en dessert de restaurant.
Je suis tombée sur un chef pâtissier passionné, Nicolas CAILLET, qui est devenu par la suite un ami, et qui m’a transmit son savoir-faire. J’ai travaillé ensuite pendant un an en chocolaterie, où j’ai tout appris sur le tas. C’est aussi là que j’ai découvert l’univers de la boutique. Par la suite, je suis partie pour Paris, où j’ai commencé en tant que commis pâtisserie au palace Shangri-La Hôtel Paris, pour le chef Michaël BARTOCETTI. J’ai d’abord travaillé à la pâtisserie centrale de l’hôtel, puis j’ai monté les échelons et on m’a donné ma chance au restaurant doublement étoilé du palace. C’était une expérience incroyable.
Il y a un an maintenant, j’ai commencé cette nouvelle place de cheffe en pâtisserie auprès du chef de cuisine de Loiseau Rive Gauche, Omar DHIAB, avec qui j’avais travaillé auparavant.
Comment tu as su que tu allais te dédier à la pâtisserie et en faire ton métier ?
Dès l’âge de 6 ans, j’ai commencé à faire des gâteaux pour les goûters d’anniversaire. A l’époque, ma maman m’avait acheté mon tout premier livre de recettes, c’était Les Recettes de Minnie je crois (que j’ai encore !). Ma grand-mère m’avait même cousu un tablier à ma taille.
En 4ème, j’ai effectué le stage obligatoire en pâtisserie boutique…et j’étais déçue. Ce n’était pas représentatif de l’image que j’avais de la pâtisserie. En plus, je ne suis pas du tout une lève-tôt, donc le réveil à 2h30 du matin, ce n’était vraiment pas possible pour moi !
Cependant, j’ai toujours eu une attirance pour la restauration, d’où mon choix du BTS. C’est vraiment la rencontre pendant la mention avec Nicolas qui a changé la donne.
Quel est plus précisément le rôle du chef pâtissier ? Qu’est-ce que tu aimes le plus dans ce rôle ? Qu’est-ce que tu aimes le moins ? Est-ce que tu peux comparer cela avec l’expérience que tu avais quand tu travaillais au Shangri-La ?
Le rôle du chef est de créer, que ce soit des petits gâteaux aux gâteaux de mariage ou encore les desserts de restaurant. C’est lui qui est en charge de toute la partie création, comme un directeur artistique. Il est bien sûr aidé de son équipe, d’où l’intérêt d’en fédérer les membres. Son rôle de leader est donc important.
Ce que j’aime beaucoup, c’est d’avoir une liberté totale sur le choix de la carte des desserts et toute la phase test de cette partie “créatrice”. La partie où je suis le moins à l’aise, et j’y travaille, c’est de promouvoir notre métier, que ce soit auprès des clients du restaurant ou sur les réseaux sociaux, en partie parce que j’ai mis du temps à assimiler que je suis légitime de faire ce que je fais et d’être cheffe.
Que ce soit le chef pâtissier Michaël BARTOCETTI ou le chef de cuisine Christophe MORET, j’ai toujours eu l’exemple d’hommes simples, humbles, humains et qui ont une créativité débordante. J’ai beaucoup appris d’eux et de l’équipe.
Quand je m’imagine les cuisine d’un restaurant, je vois une grande équipe qui s’affaire dans tous les sens, des bruits, des saveurs… c’est comment l’ambiance ? Qu’est-ce que tu ressens la plupart du temps ?
C’est très stimulant. C’est une montée d’adrénaline juste avant le service auquel beaucoup sont accros (et dont je fais partie). C’est difficile de retrouver ce genre de sensations dans d’autres métiers.
C’est aussi un sentiment d’appartenance. Chaque service est différent, il faut être réactif et s’adapter. La cohésion d’équipe est très importante pour mener à bien le bon fonctionnement du service.
Est-ce que c’est rare d’être une femme cheffe ? Quelle est la place de la femme dans ce milieu gastronomique ? Est-ce que tu ressens que les choses changent ou qu’au contraire, ça stagne ?
Que ce soit en cuisine ou en pâtisserie, de plus en plus de femmes deviennent cheffes. On n’est pas encore dans la parité hommes/femmes, mais cette évolution va continuer, je l’espère. Il reste du chemin à faire mais je pense que les hommes sont plus respectueux et beaucoup ont compris l’importance de la femme dans le milieu.
Tout cela est possible grâce à la nouvelle génération de chefs. D’une part grâce à leur management, mais aussi parce qu’ils ont volontairement ouvert les portes aux femmes.
Ces dernières années, plusieurs événements sociétaux comme la montée du féminisme et le Non au harcèlement commencent à faire bouger les choses. Ils mettent en lumière certaines conditions de travail qu’il n’est plus possible d’accepter.
La pâtisserie c’est synonyme de plaisir, de désir. Pour moi c’est une réelle forme d’art à part entière. Comment est-ce que tu vis cette création au quotidien ?
C’est comme un jeu. On s’amuse avec les couleurs, les saveurs, les textures…J’adore travailler le produit au maximum.
Il faut savoir que tout pâtissier a une base de recettes qu’il a acquis et qu’il fait évoluer tout au long de son expérience professionnelle. Certaines recettes n’existent pas. Par exemple, je souhaiterais créer une glace au fromage de brebis. Pour cela, je dois d’abord calculer les pesées et faire plusieurs essais de glace avant d’obtenir la meilleure texture, la meilleure saveur.
J’aime bien dessiner des croquis du dessert afin de trouver un visuel qui me plaît. Il faut créer le désir chez le client, la première impression est très importante.
C’est aussi une remise en question au quotidien. J’ai beaucoup d’idées donc je transpose tout sur papier et je teste ensuite. Parfois je pars sur une idée, je la laisse de côté puis j’y reviens. Ça peut me prendre quelques heures voire plusieurs jours de savoir exactement ce que je vais faire. Je débute, donc je n’ai pas exactement la bonne méthodologie… mais j’y travaille !

Quelle est ta pâtisserie préférée ?
A manger ou à faire ? A manger je dirais un bon flan… Une pâte feuilletée dorée et bien croustillante avec sa crème vanillée et encore tiède… Il y a rien de mieux qu’une gourmandise comme celle-ci pour vous faire retomber en enfance. C’est vraiment un de mes péchés mignons.
C’est un peu cliché comme question, mais pourquoi la pâtisserie en particulier et pas la cuisine ? Quelle sont les différences entre ces deux mondes qui se côtoient ?
J’aime beaucoup la cuisine, je sais que j’y trouve beaucoup d’inspirations. D’ailleurs, je préfère manger du salé que du sucré. Ce que j’aime avec la pâtisserie, c’est qu’au niveau de la création c’est infini, on peut sans cesse se renouveler. C’est aussi un univers très coloré et parfumé.
Je pense que la pâtisserie est plus rigoureuse du fait qu’il faut bien réaliser les pesées et suivre les recettes, sinon on peut vite en venir à la catastrophe. Elle relève d’une certaine sensibilité aussi, beaucoup de chefs expriment leur part de féminité et ça se voit dans leurs créations.
Avec le covid, tu m’as dis que beaucoup de restaurant étoilés fermaient. Comment est-ce que vous envisagez l’avenir ? Est-ce que c’est facile de s’adapter ?
Oui c’est un coup dur pour tout le monde d’apprendre ces nouvelles. Nous allons continuer à accueillir les clients, leur donner le sourire et essayer de les faire rêver l’espace d’un instant. Nous travaillons beaucoup avec des producteurs passionnés, je pense que nous allons continuer dans cette démarche et les mettre encore plus en avant. C’est important de se soutenir surtout en cette période. Sans leur travail, nous ne serions rien.
Avec ce qui se passe, c’est difficile de savoir ce qu’il adviendra. C’est à prendre avec des pincettes, mais je pense que la gastronomie étoilée est amenée à changer, surtout à Paris. Il faudra être prêt à ce changement.
Si j’avais envie de me lancer moi aussi dans la pâtisserie, quel(s) conseil(s) tu me donnerais ?
Ne rien lâcher et se faire confiance.
Qu’est-ce qui t’inspire au quotidien ?
Les gens, et la musique.
Est-ce qu’il y a un événement culturel, un podcast, un artiste, un(e) chef(fe) que tu as envie de recommander en particulier ?
Le Taste of Paris : c‘est un festival gastronomique que j’aime beaucoup. Que l’on soit amateur ou professionnel, la food réunit tout le monde et émerveille nos papilles.
J’adore le podcast In Power de MyBetterSelf, c’est pétillant et doux. Les témoignages sont très enrichissants.
J’ai découvert il y a peu de temps Sin’art de Charlotte Siné, c’est un mélange entre l’art et l’architecture. J’ai trouvé l’inspiration grâce à l’un de ses tableaux.
Enfin, je ne l’ai jamais rencontrée mais j’aime beaucoup ses pâtisseries : c’est Myriam SABET et sa boutique Maison Aleph. Elle marie avec brio pâtisseries traditionnelles du Levant et savoir-faire de la pâtisserie française.
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J’espère que cet article vous a plu ! Si vous avez envie d’en savoir plus, vous pouvez suivre Anne sur Instagram @annegerbaud pour découvrir ses créations. Vous pouvez aussi bien sûr vous rendre chez Loiseau Rive gauche pour déguster ses créations. Par ailleurs, les commentaires sont toujours ouverts à vos éventuelles questions et remarques, ainsi que mes messages privés sur Instagram @labeautaniste.
A très bientôt pour un nouvel article !