
Jour 1. 17h de voyage. On a failli manquer Taipei – Phnom Penh. Le bus rouge de notre guide Son nous emmène à l’hôtel. La ville est une fourmilière de scooters. Réseau apparent de veines de câbles noirs qui tissent les rues et les nouent entre elles.
Jour 2. Départ à 8h en cortège de tuk-tuk. Palais Royal et pagode au sol en plaques d’argent. Je me fais bénir par un fil de laine rouge. Les fresques somptueuses racontent de Ramayana. Fleurs de frangipaniers dans les cheveux. Phnom Penh signifie « la colline de Penh ». Madame Penh érigea une colline pour le Buddha d’or et fonda ici la capitale. Les calaos veillent. Certains libèrent des cages remplies de moineaux pour expier leurs péchés. Visite du S-21, ancien lycée français transformé en camp d’emprisonnement et de torture par les khmers rouge. 20 000 victimes, 12 survivants. Le lieu est chargé d’une énergie lourde. Visite du marché central, nous achetons toutes des éventails parfumés pour alléger nos esprits.
Jour 3. Visite d’une ancienne église XVIIIe, d’une pagode et d’une université chinoise reconverties en logements dédiés aux sino-khmers. Les bâtiments ont été totalement réinventés. Passionnant. Russian market : j’achète une main de Buddha en bronze et des pantalons à nouer. Plouf piscine et direction le Mékong pour une ballade en bateau-apéro-coucher-de-soleil. Face au fleuve, nous dînons tous ensemble au night market, assis par terre sur des nattes de plastique.

Jour 4. Journée départ de Phnom Penh pour Battambang. Montée des marches sur la colline d’Oudong vers le temple à relique de Buddha (une dent) – la première dent du Buddha que j’ai côtoyée était il y a 5 ans, au Sri Lanka. A la troisième on parlera de chasse au trésor. Visite d’une ferme de poterie d’argile. J’ai listé dans le livre Kampuchéa : maisons sur pilotis colorées ; autoroutes pour vaches ; rizières ; poissons séchés sur le bord de la route ; carrière de marbre ; maison du potier ; partout, le plastique ; meules de paille (m’évoquent celles de Monet) ; ananas au piment ; mangue verte ; terre rouge repeint les arbres ; champs de fleurs de lotus et coucher de soleil ; l’essentiel à pharmacie sur une aire de repos. Arrivés au Molopor, une jungle. On boit des cocktails bleus et on s’abrite sous les lianes en fumant des cigarettes.
Jour 5. Mariage bouddhiste de M. et R. Les témoins sont debout depuis cinq heures pour se préparer. Ils ont fait rentrer un mariage d’une semaine en une seule journée, tout s’enchaîne dans l’émotion et la beauté. Authentique faux sac Dior et tenue traditionnelle pour l’occasion. Rendez-vous dans la maison de R. qui nous présente sa famille. Prières, chants, échange d’offrandes – parmi elles je note des poulets, des cigarettes, des sodas et des bières, des fruits, une tête de cochon. Les proches s’entassent sur la pointe des pieds pour observer la cérémonie. Puis danseuses serpentines, théâtre de légendes, on fait mine de couper les cheveux des mariés pour leur porter bonheur. M. devra changer de tenue 5 fois. Le soir, on fait la fête, on boit du vin et on mange du saucisson (cuit), on danse sous la clim, dehors il fait encore trop chaud la nuit.

Jour 6. Ce matin nous visitons l’école Phare, où R. a passé une grande partie de sa vie. Phare a débuté par l’idée d’une humanitaire française et s’est bâtie aux mains de neufs élèves fondateurs. Elle accueille tous les enfants issus de familles pauvres, parfois devant déjouer leurs parents pour s’y rendre – autrement, il faut travailler – et leur offre une éducation, de se construire et de s’exprimer par la pratique des arts. Les bâtiments sont couverts de fresques colorées, nous croisons circassiens, musiciens, dessinateurs et peintres, du jardin d’enfant à la majorité. M. pleure, émue, dans la salle d’exposition. J’achète une aquarelle verte et un portrait au visage dur. Le midi, nous défilons en plein zénith sur les trains de bambou. Rien de plus qu’un moteur, une paire de rails et quatre coussins. Je trouve un deux de coeur par terre, une petite fille tend à N. un trésor doré. Le soir, nous assistons au spectacle de cirque. Acrobaties, mise en scène, équilibristes, diabolos et sauts dans des cordes enflammées. Leurs talents de comédiens me fascine. Plus tard je note : « toutes les douleurs sont valables mais ne s’expriment pas toutes de la même manière, et ont leur temps ».
Jour 7. Départ pour Siem Rep. Nous partons tous en bateau, voguons sur le Sangker. Le voyage prendra sûrement la journée. Le fleuve est très bas en période sèche et certains passages sont rudes. Les enfants nous saluent sur la rive. Nous croisons des maisons-bateau, des parcs à crocodiles, survolons régulièrement des pêcheurs à l’ouvrage. Villes flottantes. L’apaisement de l’eau qui scintille de diamants sur le Tonlé-Sap, plus grand lac d’Asie. Visite d’une pagode, probablement flottante elle aussi quand vient la mousson. Les paysages de cette journée resterons gravés en moi, avec ses heures chaudes sur le toit de notre embarcation, les bières Angkor fraîches, les peaux abritées sous les krama, l’air poisseux de ces mondes aquatiques et la beauté de ce pays.

Jour 8. Angkor. Départ en cortège de tuk-tuk. Le matin, visite des temples de Bayon, du Palais Royal et de Baphûon, duquel émerge la tête d’un gigantesque Buddha couché. Terrasses aux éléphant et du roi lépreux. Prochaine étape : Ta Prohm, où les racines de figuiers étrangleurs et de fromagers étouffent progressivement les pierres infiltrées. Dans la lente agonie du lieu, les arbres sont les bourreaux autant que les sauveurs. Le combat du grès et de l’écorce d’argent se maintient dans le silence de la jungle. Angkor Wat est inondé de lumière dorée. J’ai prié Buddha en son sommet, brûlant un encens trouvé sur le sol de Bayon plus tôt ce matin. Le soir, nouveau spectacle de cirque – les acrobates accomplis de Phare jouent toutes les semaines à Siem Rep – les artistes célèbrent l’anniversaire de F. à la fin du show. Nous lâchons nos éventails anti-moustique aux couleurs vives pour un tonnerre d’applaudissement. Plus tard, sortie tous ensemble sur Pub Street, on dîne deux girafes de bière locale.
Jour 9. Angkor à nouveau. Banteay Samre – arrêt dans les rizières vert fluo – puis Banteay Srey, la citadelle des femmes en grès rose. Visite d’un transformateur de sucre de palme. Le soir, je traverse la rue de l’hôtel pour un massage complet du corps. Toute habillée de vêtements amples. Sokha m’enroule autour d’elle, appuie, me tord, libère tout. Elle aime particulièrement mes cheveux, qu’elle tresse à la fin de la séance. Je me suis retrouvée enfant.
Jour 10. En route pour Katie. Journée de voyage à nouveau. Visite en partant du temple Bakong – le premier temple pyramide encore assez bien conservé. Nous avons remonté le temps car Bayon, le premier temple que nous avons visité, est lui le dernier temple construit en pyramide à Angkor. Un rêve m’obsède depuis trois jours. Mon moment préféré est la fin de journée, quand les rizières se teintent de cuivre et que la terre rouge retombe, couvrant le sol de particules vivantes et lumineuses. La nuit, à la verticale dans le ciel, le croissant de lune s’est tourné pour ne former plus qu’un grand sourire aux dents blanches.

Jour 11. Nous sommes arrivés ce soir assez tard à Kratie – il faisait déjà nuit noire. Le bus a déposé notre groupe de 10 jeunes sur une plage où nous attendait un bateau. Armés d’un change pour la nuit, en sac à dos, direction l’île ! Nous traversons le Mékong pour loger deux nuits chez l’habitant. De l’autre côté du fleuve, des moto-taxis nous attendent. Chacun prend son chauffeur, remonte la dune de sable et part à toute allure sous les arbres, sur la seule et unique route. On se retrouvera à l’arrivée. L’arrivée est une grande maison sur pilotis entourée de jungle et de rizières. Nous allons dormir tous ensemble dans un dortoir géant. Notre lit est composé d’un matelas très dur Guccci, d’un oreiller, d’un pled d’avion bleu et d’une moustiquaire colorée sous un ventilateur. Première nuit difficile pour certains : nous avons peur d’éventuels insectes car O. a trouvé une tarentule morte dans la douche un peu plus tôt. Les habitants nous gâtent en nourriture. Le lendemain, départ du Home Stay en vélo pour rejoindre le continent. Nos destriers semblent avoir vécu mille vies avant d’arriver jusqu’à nous, on note quelques vieux canassons de ferraille français. Promenade en bateau pour observer les dauphins, l’un d’eux passe à contre-courant tout près de notre embarcation. Visite d’un fabricant de gâteaux de riz gluant. Nous nous baignons tous dans le Mékong avant de sécher dans de petites huttes en bambou. Tour de l’île à vélo dans le coucher du soleil, le soir on fait une grande fête pour les anniversaires de M. Et G. Réveil le lendemain matin très tôt, vélos, bateau, traversée, dernier marché, celui de Shhlong, nous rentrons à Phnom Penh. C’est déjà notre dernier jour.
***
Merci d’avoir suivi le récit de cette aventure ! Tu peux retrouver les photos du voyage sur instagram : @labeautaniste