Les lieux et nous

J’ai mis un mois à m’acclimater à Hambourg. Plutôt à l’adopter qu’à m’acclimater. Je pense que les villes ne veulent qu’une chose : nous accueillir et nous offrir tout ce dont elles sont faites, et que si quelque chose résiste, il est davantage causé par un trouble intérieur. Mon trouble était principalement causé par le fait que j’ai grandi et vécu à Paris toute ma vie, et que l’égo qui en découle – j’insinue celui de savoir que l’on habite dans l’une des plus belles villes du monde – à toujours impacté les autres lieux que j’ai habité. Rien ne concurrence la beauté de Paris. J’ai vu Londres, New York, Athènes, Rome, et chaque fois j’y ai trouvé quelque chose de grandiose, de merveilleux, d’unique, mais jamais aucune d’entre elles n’a réussi à détrôner Paris. Je ne me rendais pas compte à quel point cela faisait de moi quelqu’un de snob, et de difficile à séduire.

L’arrivée à Hambourg a été mon choix le plus strict, pour diverses raisons – l’une d’elles était que j’avais un besoin vital de quitter Paris – et pendant presque un mois je suis restée enfermée. J’ai boudé Hambourg, malgré le coup de foudre que j’avais eu pour elle quelques mois plus tôt, à ma première venue avant l’été. Plus rien n’avait de saveur, tout était gris, décevant, trop petit, pas assez riche culturellement, et intrinsèquement elle n’était pas à la hauteur de Paris. Entre le 20 septembre – date de mon arrivée –  et le 20 octobre, je ne suis sortie me promener seule que trois fois. Ce qui fait honte à mon palmarès habituel. Pour ces raisons aussi, j’ai longtemps hésité à rentrer, prête à céder à Paris que oui, elle resterait dans mon coeur l’Indétrônable. J’avais oublié toutes les raisons qui me poussaient à partir, à quel point Paris m’insupportait il y a à peine six semaines. J’avais quitté le nid pour me construire de nouveaux souvenirs, me faire une nouvelle peau de femme, d’auteure, et au lieu de ça je restais terrée chez moi à naviguer entre documentaire Arte, attente, et clopes sur le balcon.

Et puis, lentement, à force de parler – surtout de me plaindre – j’ai senti comme une mue s’opérer. Je quittais la chrysalide mentale et je m’ouvrais petit à petit. J’ai commencé à sortir, marcher sans but ou pour un prétexte, passer de quartier en quartier, tester de nouvelles rues inconnues, chercher des cafés. Pendant longtemps une de mes obsessions à été de trouver le café, celui qui me sauverait de cette ville décevante et m’offrirait le sentiment d’être de retour chez moi, en France, à trainer aussi toujours dans les mêmes adresses. C’est en longeant l’Elbe en bateau que j’ai compris qu’Hambourg avait des centaines, des milliers de cafés, qui n’attendait que moi pour les essayer. Ça a créé une réelle excitation en moi, celle d’un nouveau territoire à conquérir. J’ai enfin arrêté je vouloir reproduire ce qui m’avait fait fuir Paris : vivre la même journée encore et encore dans un espace immuable et trop chargé par le passé.

A l’heure où j’écris cette chronique, je suis ironiquement assise au bar du Café Paris, c’est-à-dire l’endroit qui si je le souhaite, me donne le sentiment d’être à nouveau là où j’ai grandi, à la différence près que je n’allais jamais m’asseoir seule au bar, que je ne commandait pas un verre de pinot noir, et que je n’écrivais pas.

Si même au Café Paris j’arrive à vivre cette nouvelle vie dont j’ai rêvé, c’est grâce à ma décision d’être partie et de l’avoir accepté. Les villes qui ont marqué notre vie, les lieux qui imprègnent notre coeur ne peuvent pas voyager avec nous, mais chacun d’eux à quelque chose à donner qu’il suffit de prendre et de s’approprier pour continuer à se construire soi-même.

Teto Maltesi

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