La Toile de Jean-Michel Basquiat : Slave Auction

Salut ! Aujourd’hui j’ai envie de vous parler d’une oeuvre que j’adore, réalisée par un artiste qui fait chavirer mon cœur depuis maintenant plus de 6 ans. J’ai eu envie de vous parler de Slave Auction de Jean-Michel Basquiat parce qu’avec les récents événements relatifs à la mort de George Floyd aux Etats-Unis, j’ai pensé que l’occasion se présentait de traiter du sujet retraçant le passé de la population noire et entre autres afro-américaine.

Face à la situation actuelle, je me suis demandée comment je pourrais faire un pas allant dans le sens du courant, tout en sentant que je le faisais d’une façon qui me correspondait totalement, et qui ne sonnerait pas faux ni opportuniste.

Parler d’art m’a paru être une évidence, de Jean-Michel Basquiat encore davantage, et de Slave Auction en particulier pour des raisons que j’évoquerai au fil de l’eau. Pour résumer, vous allez piger en lisant l’article, allez, bonne lecture !

L’OEUVRE : SLAVE AUCTION – JEAN-MICHEL BASQUIAT

Slave Auction de Jean-Michel Basquiat est un collage mélangeant papier froissé, pastel gras et peinture acrylique sur toile. Ses dimensions sont de 183×305,5 cm et elle réside au Centre Pompidou. Elle fut peinte à New York en 1982, dans le sous-sol d’une galerie qui faisait office d’office à Jean-Michel.

Slave Auction, traduit comme ‘Vente aux enchères d’esclaves’, incarne assez bien la période où Basquiat dédie particulièrement son art à l’expression des minorités opprimées aux Etats-Unis, ce qui comprend son histoire populaire et celle du peuple noir. A première vue et souvent dans le travail de l’artiste, la toile est chaotique, figurative, contrastée, symbolique, comme écrite dans une langue inconnue. Elle associe un amas fragmenté. En y regardant d’un peu plus près, on se rend compte qu’elle nous raconte une véritable histoire.

Notre regard est immédiatement porté vers l’épouvantail à droite du tableau, grand maître d’une cérémonie assez funeste, vêtu d’un costume inspiré des music-hall de la Nouvelle Orléans. Il est aveuglé par l’or qui recouvre son visage. Cet or, on le retrouve également sur le bateau situé au centre de la toile, qui incarne le commerce de marchandises, le pouvoir et l’argent.

Derrière l’épouvantail, on distingue, placardés comme des affiches, des visages. Il y a d’un côté les riches blancs aux dents aiguisées et menaçantes, de l’autre, les esclaves, les no teeth. A gauche du bateau, le crâne blanc à la couronne d’épine représente le sacrifice de ces esclaves vendus comme des marchandises au destin incertain. Le tout sur un fond bleu qui me fait penser à la traversée en mer, mais qui évoque également le blues, refuge des marchandés.

Si vous vous demandez pourquoi sous le bateau il y a un joueur de football américain qui sort un peu de nulle part, c’est parce qu’à l’époque Basquiat peignait beaucoup ses idoles sportives, la plupart du temps afro-américaines. On peut penser que la présence d’une star du foot noire sous un bateau d’ancêtres vendus au plus offrant vise à souligner les sentiments contradictoires ressentis par un jeune homme vivant lui-même encore dans une société antinomique.

BASQUIAT, C’EST QUI ?

Basquiat, Wonder Kid de l'Art | A Lady in the City

Basquiat, c’est un jeune homme magnifique et talentueux. S’il n’était pas mort à 27 ans d’une overdose mélangeant cocaïne et héroïne, je suis pratiquement sûre que ça aurait été l’homme de ma vie (si si).

Jean-Michel est né à Brooklyn en 1960. Gamin, il se retrouve à l’hôpital après s’être fait renverser par une voiture. Pour l’aider à passer la convalescence, sa mère lui offre Gray’s Anatomy – et je préfère vous calmer tout de suite, on ne parle pas ici de la série avec monsieur Derek le médecin beau gosse sexy, mais bien d’un livre d’anatomie. La lecture du bouquin va faire son chemin dans la tête du Basquiat de 7 ans et influencera plus tard la plupart de ses créations.

Vers 16 ans, Basquiat se promène à Manhattan et commence à graffer sur les murs à proximité des galeries d’art en signant de son mythique pseudonyme, SAMO (qui je le rappelle est une contraction de same old shit, ce qui nous donne une opinion peu ragoûtante de sa vision de la société de l’époque). Y’a pas à dire, ça sent le mouvement underground à plein nez. SAMO va parler sur les murs et va plaire, à tel point que Jean-Michel décide d’enterrer son personnage pour devenir Basquiat et se lancer dans une nouvelle ère artistique. En cet honneur il écrira sur les murs de New York « SAMO IS DEAD », histoire de marquer le coup.

March 07/ WM issue #1: Banksy, Dash and Samo,When Graffiti Artists ...

Jean-Michel devient une véritable figure de l’East Village. Il bosse solo ou en groupe dans divers projets artistiques. Un jour, il rencontre le grand manitou du pop art, Andy Warhol, qui a une sorte de coup de foudre pour lui (en même temps ça se comprend assez) et qui contribuera par sa fréquentation à la montée en puissance de Basquiat dans le milieu de l’art.

Les années 80 marquent l’apogée de sa carrière. Jean-Michel bosse dans le sous-sol de la galerie d’art d’une marchande, Annina Nosei. Il expose, vend, gagne beaucoup d’argent, on écrit sur lui, on l’aime, il se drogue et boit trop d’alcool pour bien se détruire tout en se cloîtrant dans son loft pour planer en solo, bref, c’est la fame. Sauf que la mort soudaine de Warhol en 1987 va le choquer profondément. Jean-Michel part à Hawaï pour tenter de se soigner, sans résultats. La dépression et la désintoxication inefficace le tueront à petit feu. On le retrouve mort d’une overdose en 1988 dans son appartement.

Basquiat est un grand artiste. Contemporain, street artiste, graffeur, néo-expressioniste, avant-gardiste, pop, primitiviste, il incarne une époque à part et dédie sa voix à son passé, son présent, et à ceux qu’il admire. Pour moi il est comme un livre très court au langage compliqué à déchiffrer. Il ne cessera pourtant jamais de me fasciner. J’aurai beau le relire à l’infini, je trouverais toujours quelque chose de nouveau à questionner dans ses toiles.

CE QUE J’AIME DANS CETTE TOILE

Je me rappellerais toute ma vie de la première fois que j’ai vu Slave Auction. A l’époque, j’errais souvent dans les collections permanentes des musées et en particulier celle du Centre Pompidou. J’adore revoir des toiles familières, pour moi c’est un peu comme aller rendre visite à un pote de temps en temps. Et puis d’un coup je suis tombée dessus. Slave Auction était accrochée sur un mur blanc de l’allée principale et pendant une seconde j’ai arrêté de respirer, tellement c’était puissant. La force des couleurs, la taille, la forme, cette capacité à comprendre le sujet tout de suite tout en étant plongée dans un univers si complexe de signes, trouver un Basquiat là comme ça au milieu de toutes les autres toiles pour la première fois, tout était tellement beau.

Sachez que j’ai aussi développé un réflexe qui est de partir à la chasse aux Basquiat dans tous les musées d’art moderne et contemporains dans lesquels je vais. C’est limite devenu un toc. Mais étant donné que j’avais déjà vu la collection permanente, je ne m’attendais pas du tout à en trouver un comme ça sous mes yeux. C’était vraiment unique. Je suis restée plusieurs minutes à la contempler, à la boire des yeux en me demandant « mais pourquoi tout le monde passe devant sans être foudroyé par tant de beauté ? Pourquoi on dirait que je suis la seule à remettre ma vie en question ?« .

Tout ça pour dire que j’aime cette œuvre avec toute mon âme parce qu’à la seconde où je l’ai vu j’ai su qu’elle m’apprenait quelque chose de vrai, d’important et ainsi d’essentiel. Elle me parlait, elle vivait littéralement à travers son créateur comme son message.

CETTE OEUVRE ME FAIT PENSER À…

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The Death of Michael Stewart, 1983

Dans cette oeuvre, Basquiat dénonce le racisme et rend hommage au graffeur noir Michael Stewart, assassiné par un policier blanc en 1983.

St. Joe Louis Surrounded Snake, 1982 - Jean-Michel Basquiat ...
St. Joe Louis Surrounded by Snakes, 1982

Basquiat a peint plusieurs toiles pour mettre en lumière les athlètes afro-américains, pour les glorifier autant que pour insister sur le sentiment contradictoire que cela lui provoquait. La position de ces athlètes en comparaison de celle du peuple noir aux Etats-Unis les élève au rang de héros comme de martyrs.

Pour accompagner l’exposition Basquiat’s «Defacement» : The Untold Story présentée par le musée Guggenheim, le musicien et compositeur de renom Jon Batiste a compilé une playlist Spotify qui, dit-il, « speaks to the je ne sais quoi of Jean, his diverse array of inspiration, and the multilayered impact of his work. » Je l’ai écouté et elle défonce, j’adore l’idée, j’adore tout donc je vous mets le lien direct pour l’écouter juste ici.

***

J’espère sincèrement que cet article vous aura plu. N’hésitez pas à laisser libre court à vos pensées et opinions, remarques, listes de course que sais-je, en commentaires. Je me ferai un plaisir d’y répondre. On peut aussi en discuter sur Instagram, comme d’hab, en me suivant sur @labeautaniste.

Sources :

L’Oeuvre Slave Auction – Centre Pompidou

« Slave Auction », le souvenir douloureux du commerce des esclaves

Basquiat by Leonhard Emmerling – Taschen Editions

Jean-Michel Basquiat en 2 minutes – Beaux Arts Magazine

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