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  • bits&pieces décembre 2023

    Les chroniques de poche sont diffusées sur le compte instagram de La Beautaniste chaque semaine. Vous y retrouvez les bits&pieces, format hebdomadaire, et quelques hors-séries !


    3 décembre –  J’ai découvert que la meilleure manière de faire état de mon esprit était de me pencher sur mes films du moment. Il y a plusieurs mois, j’entamais le plus gros projet d’écriture dans lequel je me sois jamais lancée. Dès lors et sans m’en rendre compte, je me mettais en quête de films inspirés d’histoires vraies, où il était question de surpassement de soi, d’Écrire pour exister (2007) à Sept ans au Tibet (1997). Boom, je pondais vingt-cinq pages. Et puis, il y a deux semaines, le blocage. J’étais à l’aube d’entamer un nouveau chapitre, plus sensible, sombre. Je le jaugeais de loin, il me regardait froidement, l’air de dire « tu vas faire quoi ? » Cette fois-ci, Brad Pitt ne réussirait pas à me résoudre. J’ai râlé, tourné en rond dans la poussière en tapant du pied. J’ai lu des auteurs qui ne passent pas par quatre chemins, comme Fante ou Miller, gardant en tête la phrase d’un ami poète « la littérature ne se reçoit pas, elle se gagne. » Le sang bouillait. J’avais envie d’en découdre. J’ai pensé qu’écrire, c’est comme un duel au soleil. D’une traite, je me suis enfermée pour me refaire la trilogie des westerns-spaghetti de Sergio Leone – qui sentent la sueur, la poudre, le whisky des saloons – toute mon enfance. Analogie de l’affrontement final. En apnée, sous la tension insoutenable des regards perçants, de la musique qui monte, qui monte, de la main tremblante, tout près du Colt. Cette main qui frôle mais se retient, au supplice, et qui finit toujours, alors qu’on agonise enfin, par nous délivrer.

    10 décembre – Je sais qu’il est temps de tourner une page de vie dès l’instant où l’envie me prend de créer une nouvelle playlist. J’écoute de la musique en permanence, tous les jours, et dans le désordre le plus complet. La playlist est un reflet à moitié vivant, mouvant, qui me complète et qui prend forme au fur et à mesure de mes états – parfois avec des résultats hybrides, voire difformes. Je prends un plaisir fou à coudre ce nouveau Frankenstein de poche ; et l’excitation de partir en quête des morceaux qui accompagneront mes journées est un séjour en pleine jungle à la recherche d’idoles sacrées. Chaque année, cependant, une période d’exception vient confirmer la règle, où la nouveauté musicale ne sera jamais de mise : l’instant de ressortir du placard l’inébranlable playlist de Noël. Celle qui ne mue jamais, imbibée de nostalgie et sans laquelle il est impossible de faire naître le mood si spécial des fêtes, des crises de foie, des guirlandes un peu déplumées et de la quête urgente des cadeaux. Cynique ? Je suis moi-même la première à me rouler dans le cocktail Sinatra. Tout de même, j’avais envie, cette année, de sortir de la routine et de vous offrir ma playlist – toute neuve – pour célébrer Noël.

    Le lien de la playlist : https://open.spotify.com/playlist/1BrIp6yLmxeTcMko55PRMo?si=7w2JjrrLS0OlwZ0tPuM0WA&pi=e-ZcPqC5ADQjGX


    17 décembre – Ces derniers temps, j’entends partout parler de la tendresse. Je la croise dans une rue, sur la scène d’un concert ou dans mes conversations. Elle est un voile de tulle blanc que l’on pose sur nos yeux, nos lèvres, nos mains. Je ne sais pas si c’est l’hiver qui la réveille comme ça, si sa lumière douce est celle d’une bougie odeur « sapin », si son goût est celui des chocolats de mon calendrier de l’avent, ou si, simplement, en ce moment, j’ai envie d’elle. La tendresse est bien chic, la cousine d’un je t’aime – plus timide à se montrer. Un refuge, une cabane d’enfant, la nouvelle couette de mon lit. Je l’ai repliée souvent, puis rangée dans un tiroir, pensant que je n’en avais pas tant besoin. J’oublie – Marc Aurèle n’est jamais loin pour me le rappeler – comme sa douceur est invincible.


    Lin Zhipeng – Paris Photo 2023


    24 décembre – L’autre soir j’étais au téléphone avec mon ami Mackenzie – rencontré à Londres il y a deux mois et qui, après avoir terminé son tour de l’Europe en sac à dos, est retourné chez lui, à Los Angeles. Il devait être près de 20h à Paris, lui prenait son petit déjeuner sous le soleil. Malgré la distance infinie entre nous et le décalage horaire, nous étions réunis par les heures propices à rester en pyjama. Je voulais qu’il me montre la vue depuis son jardin. Il a brandi son téléphone et je quittais brièvement mon lit pour me plonger dans une vallée hollywoodienne envahie par la jungle. De mon côté de l’océan, étant donné qu’il faisait déjà nuit, il ne servait à rien de lui filmer Paris sous l’hiver. À la place, je lui montrais ma propre jungle – ma bibliothèque. Can you believe it’s Christmas already? Lui demandais-je. Il me partagea le sentiment de pression que provoquent parfois les fêtes de fin d’année. Nous parlâmes des familles se réunissant seulement à ce moment précis, dans le seul but de maintenir une apparence de cohésion sans queue ni tête. It’s the most american holiday, a-t-il rétorqué. Sa phrase résonna comme un avertissement. Si nous devions retirer tout ce qui nous pèse de ces célébrations, que désirions-nous garder ? Un rayon de soleil vint éclairer son visage et la lumière traversa l’écran pour inonder ma chambre. Il ferma les yeux pour mieux le savourer. Nous restâmes en silence un instant, à échanger ce cadeau intangible, simple, d’être en présence l’un de l’autre, si proches, si loin. C’est là que se cache la fête, ai-je pensé.


    31 décembre – Je suis dans un énième train, en plein cœur des fêtes de fin d’année et des retours de vacances pour déjà repartir ailleurs. Depuis que je suis enfant, je ne calcule pas ces allers-retours que j’ai souvent effectués seule, au point que prendre le train est devenu l’un de mes refuges. Sur l’une des vitres – que j’ai toujours secrètement rêvé de briser avec le marteau de l’issue de secours SNCF pour la voir éclater en milles morceaux – est collé une phrase qui sonne comme un bon conseil « Laissez-vous rêver ». Quelqu’un a-t-il déjà lu cela en se disant « mais c’est bien sûr » ? Je veux dire, je passe la majeure partie de mon temps à rêver. La réalité m’est trop souvent abstraite. En tant qu’experte je vous le dis, rien n’est plus douloureux que la chute du nuage. Vous ne voudriez pas écrire plutôt « Sors un peu de ta tête et vas voir ce qui se passe dehors » ? Vous auriez peur que certains le prennent comme une incitation à sauter du train. J’entends. Mais je n’en démords pas, cela aiderait. Et puis de quoi je me mêle ? Je dépense assez d’énergie à m’empêcher de prendre quelque forme de résolution tous les 31 décembre pour que vous veniez en ajouter d’autres sur le tas. Certes, il y a pleins de choses à jeter dans la vie, les 365 derniers jours en ont été bien remplis. Vous voulez seulement passer à autre chose. Mais il y a aussi les souvenirs. Ceux des rencontres. Des retrouvailles. De grands fous rires. Des spectacles époustouflants. Ceux des grandes bouffes. Des nuits renversées. Des paysages explorés. Celui de l’horizon de la mer, qui ne changera jamais. Celui de nos vraies victoires aussi. Rien de tout cela n’est arrivé dans un rêve.