Étiquette : chronique de poche

  • Hors série : S’exposer

    Les chroniques de poche sont diffusées sur le compte instagram de La Beautaniste chaque semaine. Vous y retrouvez les bits&pieces, format hebdomadaire, et quelques hors-séries !

    S’exposer est un risque. Le mot « Exposer » lui-même, peut se définir par « disposer de manière à soumettre à l’action de ». Laisser entrer la lumière, se livrer, créer l’action de, ce « de », le précipice causé par l’autre. Cette semaine j’ai eu le privilège de participer à l’accrochage d’une exposition, entourée du regard aiguisé, passionné, d’une amie galeriste, et des mains douces, méticuleuses, d’un jeune peintre en renfort. À mesure que se constituait la fresque, que quelques clous perdaient leur tête, les tableaux de vies nocturnes, transcendés par des lunes étincelantes, apposaient un à un sur les murs blancs le silence, le recueillement, si propres à l’arrivée de l’hiver. Oublié, le fond tumultueux de Paris, pluvieux, embrasé. Je ne suis pas critique, pourtant j’ai aussi écrit le texte de cet évènement, et comme dirait Joyce Carol Oates, l’écrivain ne pouvant se retenir de rivaliser en lisant d’autres oeuvres trouve une telle paix à se plonger dans la peinture. Durant le vernissage, le lendemain, fourmillant d’idées et d’échanges, les visiteurs me pointaient souvent du doigt la même œuvre, un crépuscule violacé, qui depuis la veille me retournait sans cesse. Retourné, c’est le mot, car dans les arbres dressés en paravent de nuages vaporeux, prêts à laisser leur place à l’obscurité, je voyais, inversée, une mer calme sur laquelle tomberaient les branches d’un saule. Ça m’a rappelé que petite, j’ai grandi en regardant ma grand-mère peindre dans son atelier. Elle me disait sans cesse qu’une œuvre pouvait se lire dans tous les sens. À l’endroit, à l’envers, sa fenêtre sur le monde échappait à la gravité, traduisant ainsi notre intériorité. La mienne est peut-être à l’envers en ce moment, désireuse de calme plat, je l’ignorais avant de la ressentir, de la comprendre, dans le travail d’Heidrun Rathgeb.

    L’oeuvre :
    Heidrun Rathgeb
    @heidrun.rathgeb
    Mondgesang, 2024
egg tempera on gesso panel
17.5 x 14 cm

    Galerie Elsa Meunier @dans.les.yeux.d.elsa

    © Mathis Leicht Photography