Auteur : Eloïse

  • bits&pieces novembre 2024

    Les chroniques de poche sont diffusées sur le compte instagram de La Beautaniste chaque semaine. Vous y retrouvez les bits&pieces, format hebdomadaire, et quelques hors-séries !

    17 novembre – Il est deux heures du matin, je suis sobre assise par terre sur un grand tapis et elle me dit « vas-y, tire une carte ». Un peu comme dans les séries style Hawaii 5-0, où avant qu’un épisode commence il y a tout un flashback en accéléré noir et blanc fragmenté des évènements à venir qui s’enchaine. Le cerveau a le temps en une fraction de seconde de peser le pour et le contre, d’évaluer les conséquences, pour finalement s’en remettre au destin, accepter de plonger. Car il faut plonger pour vivre. Je pourrais tomber sur n’importe quelle carte qui me renverrait à mon reflet, sachant que Jérôme Bosch, lui, représentait le Christ et l’ermite de la même façon. Comme des guides entre une âme et le ciel. Le symbole même de l’artiste. C’est un peu le sentiment que j’ai eu toute la semaine, celui d’être un « foyer transparent vers lequel convergent à la fois les aspirations divines et les désirs terrestres ». J’avais du mal à mettre les mots dessus, et l’envie, comme Irma Blank, de raconter ma vie en lignes sur un fond bleu de mer à la profondeur sicilienne. Un trait effectué en un souffle, résume bien mieux sa journée que la complexité d’une phrase. Surtout qu’en ce moment j’ai du mal à respirer, et qu’avant de me faire masser tout le corps à l’huile chaude on me demande « vous avez mal quelque part ? ». Je réponds non, mais ça me trouble. C’est peut-être parce que je me plonge dans les récits d’hommes et de femmes ayant vécu il y a 600 ans et remonte le temps en grimpant tout en haut de l’arbre généalogique. Leur compagnie ne me déplaît pas, leur noms comme Onophrion, Richarda, Cléophée, m’évoquent des êtres mystiques aux récits éternels, bien que beaucoup soient « mort de la peste ». Heureusement, l’avantage, avec les cartes, c’est que c’est à moi de décider ce qu’elles me disent, ce qu’elles disent de moi.

    Go, Second life 28 nov. 2017 de Irma Blank

    24 novembre – Le mois de novembre est un mois de merde. Je ne sais vraiment pas quoi écrire cette semaine, j’ai le sentiment que ça aura le goût de carton-pâte. Si j’étais honnête, tout ce que je souhaite c’est enfiler la chapka de ma grand-mère qui perd ses poils (la chapka, pas ma grand-mère), et me plonger dans ce roman russe qui me rappelle pourquoi j’aimais lire au lycée, aimanté à mes mains depuis trois jours. Je n’arrête pas de penser à l’espoir, caché dans les recoins de chaque journée un peu comme une vieille cendre qui ne voudrait pas refroidir sous la première vraie neige. C’est la cacophonie mentale, la crise d’ado saisonnière, j’écoute ce conte du folklore russe (encore) avec lequel on m’a bercé petite, qui parle d’un homme au coeur brisé s’en allant sur les routes, au soleil; il finit par se réparer dans les bras d’une autre. Je vois des chats dans des carafes, ce sont les tableaux de Morandi, et me demande si moi aussi, un jour, on fixera mon atelier sous une grande cloche de verre, à la gitane près dans le cendrier, comme celui de Giacometti. La soupe de tomate a remplacé le Bloody Mary mais c’est la fin d’un monde alors autant boire les deux en même temps et penser aux temps des révolutions bien plus qu’à Noël et la rengaine again. Sur le chemin vers un coup en terrasse alors que le vent givré gifle les joues je m’extasie devant la maquette d’un gros bateau, je pensais qu’il s’appelait le Surprise mais c’est en fait le Superbe, 1784, restauré par un certain « Jacquot » pendant plus de 500 heures et présenté « uniquement pour le plaisir des yeux » dans une vitrine entre deux sex shops rue de la Gaité. J’ai quand même réussi à dire trois mots qui m’étaient chers, tout comme le fil des pensées je ne sais pas comment conclure mais je tenterai de faire le point. Comme à la fin de chaque phrase, le point.