Les chroniques de poche sont diffusées sur le compte instagram de La Beautaniste chaque semaine. Vous y retrouvez les bits&pieces, format hebdomadaire, et quelques hors-séries !
2 février – Ce que j’ai préféré chez Suzanne Valadon, ce sont les portraits familiaux. Surtout cette grand-mère aveugle je pense même si ce n’était pas précisé dans le cartel. On ne peint plus de portraits de famille. C’était pourtant l’occasion de se représenter dans les détails qui nous incarnent le mieux, à l’époque un collier de perle, un mouchoir en dentelle tracé d’un bleu profond comme les yeux d’une grande partie des modèles de Suzanne. Ou bien une tasse de thé, une paire de lunette, son chien. Si on peignait vraiment mon portrait j’aimerais un livre, comme dans les toiles de @jeanphilippedelhomme, chaque fois que j’ai vu son travail je me suis demandée « avec quel ouvrage poserais-je » ? C’est comme demander aux parents quel enfant ils préfèrent. Derrière le livre posé par terre sur un tapis berbère ou contre un grand miroir j’aurais pu mettre une pochette d’album. Ça me rappelle que cette semaine j’ai été faire un karaoké avec mes femmes et que bizarrement dans ce contexte on ne passe jamais les morceaux des albums avec lesquels on aimerait poser, de sarà perché ti amo à System of a down en passant par confessions nocturnes il n’y a que dans des salles insonorisées sous des boules disco chip que le tableau est parfait. Maintenant que j’y repense et que je la regarde, cette grand-mère aveugle aurait pu être Suzanne elle-même projetée dans le temps. Sa vue se serait usée à trop observer les autres pour les peindre et elle aurait choisi cela pour parler de sa vie d’artiste plutôt que de poser à côté d’un pinceau. Elle le dit elle-même, à l’écrit, dans une lettre accrochée aux murs : « J’ai dessiné follement pour que quand je n’aurais plus d’yeux j’en ai au bout des doigts. »

9 février – Je ne peux plus blairer la vue d’une Tesla. De me le dire ça me rappelle une ancienne vie où j’étais sur les bancs de mon école de commerce à me demander ce que je foutais là pendant qu’on prêchait tous ensemble dans les amphi-bunkers sans lumière naturelle le grand guru Musk. C’est pas de la faute du taxi je crois, mais quand je l’ai vu arriver devant le passage piéton je suis sortie de mon corps, comme dans les films. La meuf en projection de moi a demandé gentiment au chauffeur de sortir du véhicule avant d’extraire une batte de baseball de son sac à main en mode punk Marie Poppins vénère et de défoncer la caisse à mains nues. Les morceaux de phares volaient en l’air le pare-brise en miette la carrosserie destroy en plein milieu de la route, juste à côté du parc où j’allais faire du toboggan petite. Je crois que c’est à cause de trucs comme ça que la colère intériorisée grossit. En réalité j’ai juste changé de musique dans mes écouteurs, c’était Sun King des Beatles, et j’ai traversé au feu rouge en regardant la voiture blanche s’éloigner.

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