bits&pieces janvier 2024

Les chroniques de poche sont diffusées sur le compte instagram de La Beautaniste chaque semaine. Vous y retrouvez les bits&pieces, format hebdomadaire, et quelques hors-séries !

7 janvier – Toute la semaine je me suis demandée : de quoi vais-je bien pouvoir parler ? Le problème, c’est que je n’ai pas réussi à écrire une seule ligne. Me voilà bien, je n’ai rien à vous dire. Je vous donne donc de mes nouvelles. Je vais plutôt bien, je refuse de tomber malade à coup de vitamine D que j’oublie de prendre, la nuit je chasse mes heures de sommeil sous un ciel d’étoiles en plastique phosphorescentes et, surtout, je passe mes journées dans les livres. À les trier, les empiler, les ranger, plus qu’à les lire. Si, j’ai quand même lu Fante. Faut pas déconner. Dans les moments où je navigue dans l’entre-deux, à bord de divers transports en commun, Arturo Bandini me fait du bien. Jeune et impulsif, ne passe pas par quatre chemins. Ses désillusions le heurtent, il lui suffit de partir en furie pour mieux recommencer ailleurs. Personne ne l’atteint, Bandini le Fier, et pourtant il admire avec sa passion dévorante. Il rêve dans les taudis face à l’océan Pacifique. Il me rassure. Le meilleur, il se dira grand écrivain sans avoir écrit une seule ligne, en tapant du poing sur la table. Ah, mais voilà ce que je peux vous dire pour démarrer l’année : je suis un grand écrivain !


21 janvier – Dans le typhon des livres à ranger le matin, à la librairie où je travaille, j’extirpe un titre – un truc en rapport avec Bergson. Un de mes jeux préférés est de l’ouvrir au hasard. Je pioche une phrase : « le changement est-il une condition suffisante au temps ? ». Comme quand le voisin a secoué un drap blanc par la fenêtre, quand j’ai vu qu’il neigeait, tout s’arrête sous les néons jaunis. Je n’ai plus le sentiment de glisser à l’infini dans un de ces toboggans aquatiques qui ressemblent à un tunnel. Quelqu’un a jeté l’ancre pour moi. Ces derniers temps, à la manière de Billy Pilgrim et ses voyages temporels, j’ai navigué dans des périodes. Quand difficiles, interminables. Quand de bonheur, accompagnées d’un « tu pars, déjà ? ». Quand je pensais à écrire, engluée sur des rails narguant pas-tout-de-suite, pas-tout-de-suite. Je n’avais pas changé, pourtant tout me manquait, tout m’avait échappé. J’aurais dû faire comme Corto, consommer des champignons magiques pour soigner l’amnésie. Mais le temps d’y penser, c’était déjà dimanche.


28 janvier – Quelle sera ma prochaine destination ? – C’est la question que m’a posé Mattie, mon meilleur ami affalé sur le canapé, entre quelques récits de vie. À défaut d’une mappemonde sous la main, nous avons cliqué à tour de rôle sur le bouton « J’ai de la chance » et laissé Google Earth faire le reste – avec très peu de résultats concluants, mais des larmes de rire sur les lieux hasardeux qui nous étaient présentés. De mon côté, il n’était pas pas encore temps de repartir à l’aventure. Je me devais de construire avec ce qui restait sous mes yeux, paysage que je connais par coeur, les ruines perpétuelle du changement. Heureusement, les éléments extérieurs surgissent. Sur le chemin de la routine, le retour bref du temps doux me rappelait les premiers soleils d’Athènes. Plus tard, je délaissais les néons pour la grâce d’une église, l’éclat d’un cierge me projetait dans les rues de Rome. Je continuais d’avancer. La nuit agitée des lumières du chaos bombardant la chaussée m’envola vers le Cambodge – où je me trouvais il y a un an, déjà. Je laissais ces sensations remémorées s’infiltrer dans mes veines, les yeux fermés, prête à sombrer dans le sommeil. En une journée, j’avais traversé le monde. Où que l’on soit, il n’y a pas de meilleur moyen de voyager que de replonger dans un souvenir heureux. Nous, les sédentaires ponctuels, ne sommes pas dépourvus de magie.

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